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29/11/2007

LETTRE OUVERTE

à Monsieur Nicolas Sarkozy

président de la République française

 

Monsieur le président,

 

Vous avez tout récemment donné lettre de mission à M. le Premier ministre afin qu’il se penche sur la mise en pratique des conclusions des travaux du Comité de réflexion et de proposition sur la moderni- sation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, struc- ture ad hoc créée et mise en place à votre propre initiative. 

d4cabf3c68b900871b0fc23d9a96b703.jpgL’ interpellation dont je me fais ici le modeste porte-parole voudrait vous rappeler l’évidence que la moderni- sation et le rééquilibrage des institu- tions de la République française ne saurait se limiter à la fixation de nou- velles règles de partage des pouvoirs entre le président de la République, le Gouvernement, le Parlement, et l’institution judiciaire. Certes, il s’agit-là de questions qui se posent et qui appellent des réponses nouvelles adaptées aux nécessités du temps présent et aux défis de l’avenir. Néanmoins, en limitant le travail de réflexion et de pro- position du comité à ces seuls aspects, vous n’étiez pas sans savoir qu’il ne pouvait que faire l’impasse sur des problèmes de fond con- cernant le fonctionnement des institutions actuelles de la Républi- que française. 


Or, sans avoir aucunement la prétention d’être un spécialiste de ces questions complexes, il me paraît évident que la France ne pourra pas faire bien longtemps l’économie d’une nécessaire réforme en profondeur de son architecture institutionnelle. En effet, les quel- ques changements qui ont été opérés ces dernières décennies – qu’on les ait définis sous les vocables de «décentralisation» ou de «déconcentration» – n’ont absolument pas entraîné une meilleure conduite des affaires publiques. Elles n’ont abouti dans la réalité qu’à une superposition d'échelons institutionnels – régions, dépar- tements, communautés d’agglomérations ou de communes, dis- tricts, SIVOM, communes… - qui, loin de fonctionner en synergie, se disputent les quelques compétences chichement octroyées par la tutelle gouvernementale et ses déclinaisons territoriales. Le téles- copage de ces différents niveaux institutionnels les conduit en outre à se disputer les maigres subsides accordés par l’omnipotent minis- tère des Finances à Paris, quand il ne génère pas une véritable gabegie des deniers publics. 

Il n’est par conséquent aucunement exagéré de dire que l’archi- tecture institutionnelle actuelle de la République française est sinon sclérosée tout au moins complètement inadaptée à un fonctionne- ment harmonieux et efficace, en France même et, au-delà, dans son articulation avec les institutions de l’Union européenne. La France dont les institutions n’ont toujours pas rompu au fond avec la logique uniformisatrice et centralisatrice du modèle jacobin, fait réellement figure de «dinosaure» au regard de ses partenaires dans l’ensemble européen et même comparée à une grande majorité de pays à travers le monde. Il faudra bien qu’un jour – le plus tôt sera le mieux – la France se décide à ouvrir les yeux sur ces questions cruciales et s’efforce d’ y apporter les bonnes réponses.  

Il sera nécessaire aussi que la France regarde en face les travers de son histoire et s’engage dans une voie de réparation des injustices commises. Car ce n’est pas un rappel passéiste de dire que, par  confusion entre unité et uniformité, la France s’est façonnée en agglomérant – plus souvent de force que de gré – des peuples qui avaient jusqu’alors leur histoire propre, en déniant leurs droits nationaux et, pire, en les réprimant de la plus vile des façons.  

Il n’est pas question aujourd’hui de refaire l’histoire. Mais il est question de créer et de mettre en place les moyens de vivre harmo- nieusement ensemble, en respectant les droits et aspirations de chacun. Être soi-même ne veut aucunement dire qu’on est contre les autres. L’ouverture aux autres commence par la conscience de soi.  

La France pourrait devenir le modèle de démocratie et de respect des droits de l’homme qu’elle se targue d’être, en modifiant en profondeur son architecture institutionnelle et en adoptant le schéma fédéral qui a fait ailleurs – et largement – ses preuves. Dans le cadre de cette évolution institutionnelle, le Pays Basque devra pouvoir bénéficier d’un statut d’autonomie interne lui octroyant de larges compétences. Gérer les affaires au plus près des besoins d’une population donnée peut parfaitement s’articuler avec des politiques s’inscrivant dans des ensembles plus vastes.  Une autonomie est un élément dynamique d’une Europe unie, la preuve en est déjà faite.

Tout ce qui précède va dans le sens de la motion que vous avait adressée, ainsi qu’au comité présidé par M. Edouard Balladur, le collectif "Autonomia Eraiki" (Construire l’autonomie), en conclu- sion du "Forum sur l’Autonomie" qu’il avait organisé les 26 et 27 oc- tobre derniers à Bayonne. Cette motion dont l’argumentation se voulait constructive a été signée par trois partis politiques abertzale (patriotes), ce qui lui confère poids et crédibilité.

Dans le droit fil de cette démarche, j’exprime ici, Monsieur le président, le vœu et l’espoir que, dans la logique de votre volonté de changements en profondeur pour la France, vous aurez le courage et la lucidité politique d’aller au fond des choses sur la question de la réforme des institutions. La France, si elle entend être à l’avant-garde d’une rénovation de la démocratie, doit donner droits et moyens à des populations et à des territoires afin de mettre en place des statuts d’autonomie interne, outils de gestion des affaires locales et instruments d’une solidarité avec d’autres collectivités et l’ensemble européen. 

Veuillez agréer, Monsieur le président, l’expression de ma considé- ration respectueuse.

 

Allande SOCARROS