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20/01/2008

D. MITTERRAND AUTONOMISTE

«Oui, je suis Bourguignonne… et j’irais même jusqu’à revendiquer l’autonomie de ma terre familiale dans l’Europe des peuples dont nous avons rêvé pendant la Résistance.» 

b5b42c50a7dd723ff86e798e3e56dd3a.jpgOui, oui , c’est bien ce que vous pourrez lire p.13 du dernier livre de… Danielle Mitterrand. C’est donc avec grande curiosité et surtout après ces premières lignes très aguicheuses, que je me suis lancée dans la lecture de ce petit pavé (certes écrit gros) de 500 pages. 

La lecture est aisée, le style est dynamique et on se plonge assez facilement dans les récits de son enfance et de ses origines : «je sors d’un nid de socialistes bien rouges du côté de ma grand-mère paternelle. De la même terre que les ceps de vigne de mes ancêtres, je revendique l’exception culturelle» (p.21).


Elle nous raconte sa rencontre avec «François», les temps de  la Résistance (celle de « François » emprisonné et évadé, puis leur destin commun), la IVème république puis la Vème avec De Gaulle, qui en prend d’ailleurs pour son grade dans de nombreux passages. Elle  évoque souvent le rapport «gauche droite» et n’a pas sa langue dans sa poche: « Toute l’Histoire démontre que les véritables oppositions que nous appelons droite gauche ont recouvert et recouvrent encore le clan des républicains, citoyens responsables, contres les « monarchistes » asservis au pouvoir personnel parce qu’ils cherchent un maître. Les premiers se recrutent majoritairement parmi les gens simples, dit Umberto Eco, ils sont de la chair à bouchers à utiliser quand ils servent à mettre en crise le pouvoir adverse, et à sacrifier quand ils ne servent plus »(p.26, citation du Nom de la Rose), «j’ai compris, aux échos qui nous parvenaient des discours d’en face, que la droite elle, elle parle de sécurité et d’ordre, elle veut que la justice garantisse l’ordre, elle veut un peuple bien sage qui ne pense pas….et qui obéît. Un peuple sans conviction» (p.306).

Elle nous narre ensuite le laborieux chemin vers l ‘élection de 1981, et nous fait part de sa vision de la gauche désunie : «ils veulent rendre plus juste la société, et éviter la guerre. Avec surtout cet objectif fondamental : mettre l’agent au service de l’homme, et non l’inverse. Pourtant, ils n’ont rien de plus pressé à faire que d’opposer chacun leur stratégie, tout en voulant imposer à l’autre le point de vue de son courant. Au nom de la plus grande efficacité, disent-ils, l’un par la réforme, l’autre par la révolution. Et voilà, ni les uns, ni les autres ne semblent se rendre compte que concrètement, ils s’acharnent de manière obsesionnelle à diviser les forces qu’ils rêvent de rassembler. Cela va parfois jusqu’à la caricature : plus le courant se veut unitaire, moins il l’est, et plus il exige des autres l’unité» (p.111).

Elle nous confie aussi tout au long du livre ses débuts dans l’humanitaire pour la défense des Droits de l’Homme, de son combat altermondialiste, de sa vision du colonialisme : «Fallait-il croire aux beaux discours de son Comité colonial (Jules Ferry), formé plutôt de commerçants, d’armateurs et d’hommes d’affaires des grands ports, quand il présentait la colonisation comme un apport de la civilisation à des peuplades primitives ? Combien de grandes fortunes actuelles se sont bâties sur les désastres perpétrés par notre civilisation ? N’y voyait-on pas plutôt un champ de richesses à exploiter ?» (p.33), «Avez-vous remarqué la longue frontière rectiligne qui sépare l’Algérie de la Mauritanie ? vous découvrirez un petit décrochement inexplicable. Est-ce le lieu d’un puits ou d’une oasis ? Non, non ! C’est la trace du bout de l’index qui tenait la règle utilisée pour dessiner une frontière bien nette. Il m’arrive de penser à ceux qui peut-être ont posé leurs tentes à cet endroit et qui ne se sont pas demandé pourquoi ils étaient Algériens» (p.37).

Elle a également la critique vive face au libéralisme : «Aujourd’hui, grisés par la modernité, nos œnologues compensent par des produits ajoutés et finissent par produire un breuvage sans surprise : un bon cru au goût unifié, à l’instar de la pensée unique, d’une culture unique, d’une civilisation unique..Quels objectifs poursuivent-ils? Il semblerait que ce soit la création d’un robot se contentant d’un breuvage insipide qui ne saurait réveiller des neurones en plastique» (p.21) ou à l’image de cet idéal ces propos rapportés de Mme Thatcher au sujet de l’impôt sur les grandes fortunes : «Vous n’y pensez pas François, il n’y a pas assez de grandes fortunes chez vous pour que cela vous rapporte suffisamment ; taxez plutôt les pauvres, ils sont tellement plus nombreux !» (p.440) ;

On pourra de même découvrir de nombreux récits de ses expériences de voyages chez Castro, en Amérique Centrale, au Brésil, chez les Mapuches, chez les Kurdes, les Saharaouis, au Mexique chez les Zapatistes dont «le travail est de construire l’autonomie. Que le peuple puisse décider comment exercer ses droits. C’est une forme de lutte, une lutte juste, qui a raison. Travailler la santé, l’éducation et les autres secteurs d’activités, c’est une arme de notre lutte, qui ne tire pas de balles mais des mots, des mots qui lancent un appel à toute notre humanité» (p. 444).

Danielle Mitterrand nous parle aussi de la stratégie américaine du Grand Domaine : «Il ne fallait pas éveiller les soupçons sur les intentions cachées de ce grand et généreux pays qui n’hésitait pas à sacrifier ses soldats pour libérer l’Europe du dictateur qui la mettait à feu et à sang. Et cependant un groupe d’hommes concoctait un texte qui ne serait lu au Pentagone qu’en 1948» (p.408) et enfin nous présente son plaidoyer pour l’accès à l’eau pour tous : «L’eau potable, bien public ? Nos édiles sont d’accord. Mais qu’elle requière une gestion publique, pourquoi donc ?  C’est tellement pratique d’en déléguer la gestion à une entreprise internationale privée. Elle a beaucoup d’argent, les meilleurs techniciens..mais ils sortent tous des mêmes écoles les techniciens. Non ? Seraient-ils plus aptes, lorsqu’ils travaillent pour une multinationale privée, et deviendraient-ils idiots lorsqu’ils servent une collectivité ?»(p.463).

C’est sûr, c’est une sacrée «bonne femme», si je peux me permettre... avec son caractère. Cela a dû chauffer plus d’une fois à l’Elysée et il est de notoriété publique qu’il y en a eu des accrochages pendant les septennats de son mari. Sacrée caractère encore et toujours à 83ans quand elle répond à Ruquier qui l’interroge sur son vote au premier tour : «Mais de quel droit me demandez vous cela ? Non, je ne vous le dirai pas». On se souvient également de son «tact» culotté à la suite de la défaite de Jospin aux présidentielles alors qu’elle lui serrait la main juste après en lui lançant : «C’est une bonne nouvelle !». 

Une sacrée «bonne femme».

Danielle Mitterrand, Le livre de ma mémoire, chez Jean-Claude Gawsewitch Editeur, 513p. 23 euros (les droits d’auteur de ce livre sont intégralement versés à France Libertés, Fondation Danielle Mitterrand.

Audrey Hoc

Commentaires

Audrey,
le combat des aborigènes est exemplaire , digne d'etre connu... il est d'une actualité pressante... veux tu nous en parler, s'il te plait

Écrit par : pantxika | 22/02/2008